L’amour du luxe au Japon

L’amour du luxe au Japon

C’est en 1977 qu’Henri-Louis Vuitton décide de se développer en attaquant le marché japonais. Moins de 3 ans après, l’empire Vuitton au Japon est estimé à 300 milliards de Yen, et est constitué par 49 magasins et emploie 4000 personnes. L’expansion de la marque ces dernières décennies montait jusqu’à 400% et représentait un tiers du chiffre d’affaires global de Louis Vuitton. Aujourd’hui, 94,3% des jeunes femmes de 20/30ans de Tokyo possède au moins un sac Vuitton, econt il est impossible de marcher 5 min dans Shibuya sans croiser le fameux monogramme au bras d’un passant.

Le secteur du luxe représente 13000 milliards de yen au Japon, soit 18% des ventes globales du luxe (et ce chiffre ne prend pas en compte les achats fait par les touristes japonais à l’étranger). Même après les 15 dernières années de crise économique, le secteur est un des seuls en expansion, et c’est d’ailleurs pendant cette période qu’il s’est le plus développé.

Pensée collective et importance du groupe

Le Japon étant soumis à des conditions géographiques  hostiles, les japonais ont dû apprendre  rapidement à coopérer pour survivre. La survie du groupe dépend de sa cohésion, et ce principe est aujourd’hui un des fondements de la culture japonaise.

Après l’ère Meiji (1868-1912) , cette importance du groupe est devenue encore plus importante à une échelle nationale, renforcée par la confrontation avec l’occident : chaque membre de la nation doit travailler ensemble pour surpasser l’ouest. Le Japon est une société verticale, avec un sens très strict de la hiérarchie, ces éléments ont contribué à une forme de pensée collective où le groupe est le plus important et son intégration nécessaire à la survie. Ce concept est appelé wa (harmonie) et les japonais tracent une ligne très claire entre uchi (foyer, intérieur, groupe d’appartenance) et soto (dehors, autre, étranger). Dans cette société normative, où tout est catégorisé ou en uchi, ou en soto, l’individu a pour nécessité d’être dans l’uchiwa (harmonie) avec le groupe et dans les cercles qui le définissent (famille, quartier, village, société).   Cette importance du groupe signifie que toute personne voulant se différencier sera rejetée. Les japonais sont naturellement tournés vers l’autre,  L’opinion de celui-ci est très importante et ils ont tendance à copier les comportements qu’ils observent pour être d’autant mieux intégré. L’apparence est donc très importante “omote” en japonais signifie face, mais aussi masque : l’image donnée, le masque qu’on montre aux autres est très importante car elle détermine l’acceptation ou non dans le groupe.

Influence occidentale

Concernant le secteur du luxe, les produits ont un impact très important puisqu’ils   transmettent un univers mental de puissance, de richesse, de bonheur… Mais cet univers est clairement occidental : ¾ du marché du luxe japonais est composé par Louis Vuitton, Gucci, Hermès, Chanel et Prada. La date clef de ce processus d’occidentalisation est 1945, après la victoire des Etats Unis. Leur victoire leur a donné un statut particulier, le symbole de la réussite économique, politique et sociologique, tiré par la consommation et “l’American way of Life”.

Favorisé par cette volonté de s’occidentaliser, le Japon montre une très forte culture de consommation. Comme souvent avec le modèle japonais, l’élève dépasse le maître, en faisant du shopping un hobby en soi. Omotesando en serait un excellent exemple : cette avenue de shopping est calquée sur les Champs Elysées en plus grandiose, plus développé. Les consommateurs japonais ont des attentes très élevées et ont créé des nouvelles façons de consommer : plus que le produit, c’est une expérience, un service qu’ils cherchent à acheter.

Les cosmétiques ont aussi un très grand succès au Japon, surtout les crèmes qui rendent la peau plus blanche. Le maquillage est également une très bonne façon de cacher ses vrais sentiments, comme dans le théâtre Nô où les acteurs sont méconnaissables derrière leur maquillage prononcé / masques et vêtements. Il est inconcevable pour la majorité des femmes japonaises (surtout en métropole ) de sortir sans maquillage.
Cela a d’ailleurs donné naissance à un bar dont le concept est que les  serveuses soient démaquillées. Les clients semblaient ravis, disaient que cela leur donnait une impression d’intimité, comme s’ils étaient chez eux avec leur petite amie.
Néanmoins, les serveuses  se rendaient maquillées au travail, se démaquillaient puis remaquillaient avant de rentrer chez elles.

Facteurs culturels japonais

  Un autre concept propre au Japon a un impact important sur la consommation du luxe : giri. Giri signifie “obligation” et on peut le trouver dans de nombreuses occasions. Par exemple, quand les japonais partent en vacances, ils se doivent de ramener des Omiyage (souvenirs) pour les collègues, famille et amis qui sont spécifiques à chaque région (une tarte à la patate douce à Okinawa, du poisson de Kamakura…) tous emballés dans du papier cadeau recherché, avec une grande attention au détail. A la Saint Valentin, c’est la femme qui offre du chocolat à son compagnon, mais aussi à ses collègues masculins (on parle dans ce cas de giri choco). Lors du White Day, un mois plus tard, c’est les hommes qui ont reçu des chocolats qui doivent les rendre et ils sont supposés rendre un cadeau de 10x la valeur du chocolat reçu.

  Le Japon est un des marchés les plus exigeants en termes de qualité. Des retailers japonais peuvent renvoyer jusqu’à Paris des biens de luxe s’ils présentent la moindre minuscule égratignure, car les clients le verraient et n’achèteraient pas le produit, même s’ils savent que c’est fait à la main. Cette quête de la perfection est constante, et est donc tout à fait cohérente avec les biens de luxe qui présentent un niveau de qualité très élevé.

  Au-delà du produit, c’est la qualité de service qui est également nécessaire. Louis Vuitton a toujours apporté une attention particulière au service dans ses magasins japonais. Par exemple, dans son magasin d’Omotesando, Louis Vuitton propose un service de concierge équivalent à celui offert dans un hôtel de luxe. Ces concierges sont ici pour informer ou guider les clients, qu’ils connaissent personnellement et qu’ils vont aider dans la connaissance des produits, mais qui peuvent également réserver un hôtel, un restaurant, un taxi… La réputation d’une marque de luxe ne dépend pas de la satisfaction du client de manière générale, mais sur la satisfaction de chaque client individuellement. La qualité de service est si importante, que tout acteur pensant qu’il pourrait l’ignorer a subi de lourdes déconvenues. Par exemple, Sephora, qui a loupé son développement au Japon, en essayant d’appliquer son modèle de self-service au marché japonais sans être conscients des attentes spécifiques des consommateurs, aujourd’hui Sephora a abandonné le marché japonais et n’est plus présent sur celui-ci.

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